Un cœur noir comme le bois

Odi'Mua était étendu par terre. Le conteur et Si'la était accroupis auprès de la jarre, protégé des regards par la toile qui les protégeait aussi du soleil.

- Je ne peux pas garantir pour les erreurs. Mais, si vous le voulez bien, nous pouvons faire un essai avant que je fasse la vrai tentative. Mais, pour ça, il faudrait que vous participiez... un peu activement.

Sans vraiment savoir que répondre, Si'la regarda le conteur dans les yeux pendant quelques secondes avant de parler doucement :

- Je devrais... participer à cette... hérésie...? Si c'est vraiment nécessaire, assurez moi que cela ne me touchera pas tel une maladie de l'âme. Expliquez moi, j'essayerais d'être indulgente.

Le conteur acquiesça.

- Je vais essayer de vous expliquer ce que je pense avoir compris. Si nous ne pouvons pas boire l'eau de mer, c'est parce qu'elle contient des matériaux qui la rendent impropre. En l'occurrence, cela serait du sel. J'ai trouvé dans les manuscrit des explications sur comment échanger l'eau salée avec une autre matière, ce qui conviendrait parfaitement à notre problème.

Mais, il faut fournir de l'énergie. Je n'ai guère envie de participer à des pratiques nécromantiques hérétiques en tirant l'énergie des os que nous avons durement récupérées. Je prévois donc de prendre de l'énergie là où il y en a, c'est à dire en nous. Je n'ai aucun problème à fournir ma propre énergie pour obtenir de quoi boire - il faut juste l'équivalent de ce qui serait nécessaire pour déplacer la quantité de liquide que nous désirons. Cependant, j'ai peur de m'être trompé dans ma compréhension, et de mal gérer la quantité d'énergie que je donne. Et donc de m'évanouir, puis de mourir lors de l'extraction de ladite énergie, avant d'avoir pu ne serait-ce que commencer le transfert.

C'est pour ça que je vous demande d'être volontaire. Je ne vous demande pas forcément de participer à toute l'expérience, mais juste de m'aider à vérifier que je ne me suis pas trompé dans mes calibrations. Cela vous apportera juste un peu de fatigue, rien de plus. Tout ce que vous avez à faire pour commencer, c'est de vous entailler légèrement la main, et de faire tomber quelques gouttes de sang dans le pot - cela devrait suffire pour juste vérifier que je n'ai pas fait d'erreur dans mes estimations.

Un léger sourire apparu sur le coin de la bouche de Si'la. Étrangement déterminée, elle répondit sans beaucoup d'hésitation au conteur :

- Je pense tolérer ça, et si c'est une démonstration de force, je pense faire largement l'affaire.

Elle se mordit doucement l'intérieur de la paume de sa main gauche, elle ne voulait pas toucher à la main maîtresse de son épée, et fit tomber cinq gouttelettes de son sang dans le pot.

- Je vous fais confiance jusqu'ici, mais je veux comprendre, donc allez-y avec prudence et minutie.

A-julure commença alors à prononcer une étrange mélodie, dans une langue inconnue de Si'la. Le conteur semblait parfois hésitant, et sembla recommencer plusieurs fois, à différent tons. Enfin, alors qu'il arrivait sur un sons très grave, Si'la sentit qu'une fatigue l'envahissait. C'était plus fort, et plus subite, que la fatigue du voyage ou du combat, choses auxquelles elle était habituée. Là, ses muscles s'engourdissaient d'eux même, et elle avait du mal à garder les idées claires. Le conteur s'arrêta alors, et bien que la fatigue ne disparut pas, elle cessa d'empirer.

- Voilà qui semble prometteur. Je vais commencer. Si jamais je venais à m'évanouir... faites n'importe quoi pour que je me réveille, je vous en prie.

Sortant une dague d'une poche, A-julure s'entailla son tour la main, la posa au dessus du pot. La faible luminosité empêchait de bien voir, mais Si'la pouvait clairement entendre les gouttes de sang qui tombaient régulièrement. Le conteur reprit sa mélopée, directement sur le ton le plus grave. Après quelques instants, il baissa encore d'un ton, et commença à rajouter des bruits de gorge à ses incantations. Avec le peu de lumière disponible, Si'la voyait les traits du conteur qui se plissaient, alors qu'il se battait contre lui-même pour rester conscient.

Au bout de plusieurs minutes, voire dizaines de minutes, tout cela cessa. Le conteur, déjà à genoux sous l'abri de fortune, mis sa tête entre ses mains, se massant les paupières.

- C'est bon, cela devrait être buvable. Je ne garantis rien sur le goût. Pensez à en laisser pour Sorothakar et moi, mais le plus urgent semble être de ranimer notre ami Odi'Mua.

Dans la haute atmosphère, loin au dessus du campement de fortune, une vague pris naissance. Nés du chaos bouillonnant, elle batailla un moment contre ses pairs, avant de s'échapper en direction du sol brûlé par le soleil.

Elle frappa la poussière, soulevant cendres et graviers, et commença sa charge au travers du désert. Épuisée par sa course, elle vint mourir sur les faibles élévations de terrains, se transformant en une fine langue de poussière, qui s'insinua sous une cape surchauffée, pour venir caresser un homme endormi.

Sorothakar se réveilla subitement, sens en alerte: il y avait dans l'air une odeur étrange, une odeur de danger suspendu, une promesse d'explosion après l'attente insoutenable.

Il se leva, récupéra sa cape, secoua les cendres de ses jambes, et jeta un oeil au camp: personne n'était visible, pas même Silla, qui devait le réveiller. Il se mit en quête de la femme, et la trouva finalement en compagnie du conteur se tenant la tête et du jeune garçon gisant en mauvais état.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Vous avez été attaqués ? Pourquoi personne ne m'a réveillé ?"

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Jamais Si'la n'avait senti une si étrange sensation, comme si elle combattait un ennemi insondable, qui lui rongeait sa force... mais elle s'en été sorti, et avec un peu d'eau à disposition.

Sorothakar arriva après le sort du conteur, et malgré le fait que Si'la était des plus décontenancée après l'instant qu'elle venait de vivre, elle répondit à ses questions :

- Calmez-vous. J'avais plus urgent que de vous réveiller, estimez-vous heureux d'avoir eu un bon moment de repos. Je suis allé chercher de l'eau de mer pour que A'Julure ici présent puisse la transformer en eau potable par un biais que je n'ai pas bien compris. Sur le chemin, j'ai retrouvé le jeune Odi'Mua très mal en point après avoir erré dans le désert pendant plusieurs heures. L'eau est ici, vous pouvez en boire, mais il en faut aussi et surtout pour eux deux.

Elle pointa Odi'Mua et le conteur.

- Nous n'avons pas été attaqué bienheureusement, et la tempête qui arrive empêchera probablement ces bêtes de nous trouver. Cependant nous allons devoir retourner dans nos trous avant que la poussière ne nous en empêche. Si vous voulez posez plus de questions, gardez-les pour un moment plus calme.

Sans attendre de réaction, elle prit le pot entre ses mains pour en verser un peu dans la bouche du jeune Odi'Mua mais alors qu'un filament de liquide glissait à l'intérieur de la bouche de l'enfant, elle remarqua sa couleur et son odeur et la stupeur l'arrêta net. Le pot ne contenais pas de l'eau, mais du sang.

"Retrouvé ? Il avait disparu ?" s'étonna l'homme sans réussir à masquer vraiment le soupçon d'inquiétude présent dans sa voix.

En jetant un oeil dans le pot, il compris subitement que l'odeur métallique, qu'il avait pris pour un signe avant coureur de la tempête, était celle du sang. Cette preuve irréfutable des pouvoirs du conteur firent monter le vieil encore plus haut dans son estime. Tout en l'aidant à se mettre à l'aise, il proposa au groupe:

"Prenez plutôt ma gourde, de l'eau fraîche vous ferait sans doute plus de bien qu'à moi. Ce ne serait pas la première fois où je devrais recourir à des moyens extrêmes pour survivre."

Il échangea sa gourde contre la jarre, et en goûta le contenu précautionneusement: à priori, c'était bien du sang. Il en bu quelques gorgées, mais n'y pris aucun plaisir: à vrai dire, c'était même assez écœurant, avec goût douceâtre ferreux, et une texture légèrement visqueuse qui collait au palais.

Ne voulant pas risquer de se rendre malade, il reposa la jarre, s'essuya la bouche, cracha méthodiquement, et remarqua:

"Il faudra m'expliquer comment vous avez fait. Mais en attendant, je vais aller chercher mon nedjum: nous n'avons plus beaucoup de temps pour nous préparer à affronter la tempête, et vous n'êtes pas en assez bon état pour y résister sans protections. De plus, quelqu'un doit monter la garde: je suis bien reposé, je peux le faire. Occupez-vous de reprendre vos forces."

Les sons et les odeurs se mélangeaient pour Odi'Mua. A peine conscient, il entendait moins le bourdonnement violent du soleil qui martelait sa tête, et une mélopée envahissait ses sens. Le son. La voix. Le barde l'avait déjà montré dans l'auberge, c'est la voix qui importe. Connaître les mots et avoir la voix pour les prononcer. Peut-être que s'il connaissait les mots, s'il pouvait moduler son timbre, le garçon pourrait défier le soleil. Il avait souffert, mais sa vengeance viendra un jour.

Un goût étrange réveilla Odi'Mua. Il n'était pas inconnu, seulement assez lointain. C'était un coup, un choc, et dans la bouche le même goût qu'à présent. Il avait trouvé cela sale, dérangeant. Mais maintenant c'était merveilleux. Il sentait qu'il reprenait vie. L'image du soleil gravée en lui, parfois éloignée mais pas éteinte, se vit recouvrir d'un voile écarlate. Ce fut le signal de son éveil.

Ouvrant à peine les yeux, gémissant quelque peu, Odi'Mua tendit le bras vers la jarre au sol et dit faiblement : "Encore..."

Sorothakar revint peu de temps après avec le nedjum, qu'il plaça de façon à former un V avec l'autre, face au vent dominant. La protection contre la tempête serait limitée, mais tout de même présente.

Il installa Odi'Mua du mieux qu'il pouvait, lui versant de l'eau dans la gorge, puis bu sa propre part à la jarre : c'était toujours aussi écœurant, mais la soif était trop présente pour l'ignorer.

Il prit encore un long moment pour inspecter minutieusement sa tenue, resserrant les cordons, ajustant son chèche, et enfilant ses gants : il était futile de penser pouvoir éviter à la poussière de s'infiltrer, mais il espérait au moins limiter l'abrasion due au sable et gravillons. Il tâcha alors de s'enrouler dans sa cape pour protéger son visage, tout en restant capable de jeter des coups d'oeil aux alentours pour discerner d'éventuels assaillants, et se calla dans le creux du V formé par les nedjums, là où il pourrait observer le coeur de la tempête, en levant simplement la tête.

"Si vous avez quoi que ce soit pour masquer votre visage, faites le, conseilla-t-il à ses compagnons. Éviter de respirer par la bouche. Buvez maintenant que vous le pouvez, mais garder de l'eau pour rincer les cendres que vous pourriez aspirer. Si'la, pourriez-vous surveiller l'autre côté ? On ne sait jamais, j'ai peur que les monstres profitent de la tempête pour attaquer."

Il rangea soigneusement son arc, d'aucune utilité ici, et dégagea son couteau qu'il serra dans sa main, et se prépara.

Si'la prit la gourde entre ses mains. Même au seuil de la mort, elle n'irait pas jusqu'à boire le sang frais d'un cadavre, surtout si ce sang est issu d'une obscure magie...
Elle bu beaucoup du contenu de la gourde de Sorothakar, plus que ce qu'elle croyait, si bien qu'il n'en restait qu'un peu moins d'un quart.
Elle se trouva l'excuse de la fatigue et se dépêcha de faire boire le reste à Odi'Mua. Après avoir vidé le peu d'eau restant de la gourde dans la bouche de l'enfant, elle regarda Sorothakar et lui dit :

- Hum... il faudrait leur donner le contenu du pot entre eux-deux.

Elle fit une courte pause.

- Je suis fatiguée. Si nous n'en avons vraiment pas suffisamment, il faudra penser à aller la prendre là-bas.

Si'la pointa avec son pouce en direction de la plupart des trous dans lesquels s'étaient mis les villageois. Elle commença à arranger sa cape de façon à ce qu'elle protège son visage des cendres de la tempête. Il allait bientôt falloir aller se réfugier dans les trous.

Si'la, Sorothakar, et Odi'Mua étaient chacun dans un trou dans le sable. Les deux premiers disposaient d'une cape pour se protéger, mais Odi'Mua n'avait rien de tel. Il était de toute façon trop mal en point pour s'en préoccuper. Sa tête était lourde, et lui faisait mal. Point positif, la levée de la tempête commençait à remplir l'air de cendres, qui diminuaient la luminosité ambiante, ce qui lui permettait de voir un peu.

Le souffle de la tempête se renforça. Alors que Si'la et Sorothakar tombaient dans le semi-sommeil si cher aux voyageurs qui doivent se reposer tout en prenant le risque d'être attaqué, Odi'Mua cherchait encore à s'endormir. Remuant sans cesse, il essaya de voir l'état de la tempête. Il respirait sans trop de difficulté, malgré la cendre qui tombait ; a priori, la butte suffisait jusqu'ici à éviter le plus gros du souffle. Jetant son regard vers la butte en question, il fut pris d'un léger vertige, ne sachant plus très bien où se trouvait le haut et le bas. Craignant de tomber, il poussa un léger cri et s'accrocha à la cendre sous lui.

Désorienté et en sueur, il se redressa, pour vérifier s'il n'avait pas alarmé tout le camp. Il eut juste le temps d'entre-apercevoir une silhouette floue à travers le nuage de cendre. Était-ce son esprit qui suivait ce que les deux autres lui avaient dit sur les créatures, ou la silhouette avait-elle bien deux long bras effilés ?
Avant de pouvoir répondre à la question, ses mots de tête le forcèrent à se rallonger, et à se la tenir en espérant réduire la douleur. Il sentait que l'épuisement allait probablement bientôt l'envoyer rêver dans le royaume des songes et des prophétie.

Après la lumière vint le bruit. Le bref moment de répit qu'il avait senti s'était déjà dissipé.*Whouuu Whouuu* faisait le vent, déplaçant de la cendre, soulevant la terre dans l'air.

A ce moment, Odi'Mua aurait voulu pouvoir voler, résister aux éléments. Il s'imaginait déployer des ailes. Sans savoir pourquoi, aux hurlements du vent son esprit répondait par un autre son. *rafrafa* faisait Odi'Mua dans son monde. C'était la seule manière d'échapper à ce désert.

Puis il y avait eu le basculement du monde. Ses sens ne le trompaient pas, ils capturaient ce qu'il y avait à capturer : un environnement brouillé. Le ciel en bas et la terre en haut, il planta ses petites mains. La cendre était partout depuis ce qui lui semblait être une éternité. Sous ses pieds, sous ses ongles, sur son visage fouetté. Mais la cendre l'aidait un peu. Il ne put s'empêcher de jubiler. Qu'importe où il tournait la tête, l'éclat du soleil diminuait. Il espérait que cela faisait mal, de se voir recouvrir, de perdre de son éclat. Le voile cendré le dissimulait à son ennemi.

Toutefois, la perte de repère l'empêcha de célébrer sa vengeance plus longtemps. Son corps l'avait ramené à la situation, un cri avait été lâché. Alors que le monde tournait encore autour de lui, Odi'Mua chercha à voir s'il avait provoqué une panique. A vrai dire, il pensait que tout le monde aurait du se réjouir de voir le soleil disparaître ainsi. Mais les adultes étaient fatigués, et les enfants imitaient leurs aînés. Il fallait éviter de créer plus de tensions.

Pourtant, quelqu'un marchait, quelqu'un qui ne craignait ni vent, ni cendres. Son propre visage attaqué par la cendre, Odi'Mua fut forcé de se terrer. Il tremblait. Ses sens lui diffusaient à présent des images du passé récent. Le son de la lame coupant dans la chair, le cri, et les images furtives des créatures. Allaient-ils être chassés jusqu'ici ? Il ne pouvait pas y croire. Sa tête se chargea de lui rappeler qu'il n'avait pas le luxe de réfléchir, et l'envoya se recroqueviller. Tempes battantes et tremblant de tout son corps, Odi'Mua voulait juste se reposer. Alors pourquoi le monde cherchait à l'arrêter ?

La douleur et la colère lui arrachèrent un hurlement. Cri de rage au milieu du désert, il maudissait par-là le soleil, la cendre, les hommes et les bêtes.

L'esprit vide, Sorothakar avait plongé dans une demi-torpeur: seuls ses yeux étaient en éveil, cherchant à distinguer une cohérence dans les formes mouvantes de la cendre.

Le cri soudain le fit se retourner, couteau brandi, sans comprendre immédiatement ce qui l'avait provoqué. Il jeta un oeil à Si'la, au conteur, puis finalement à Odi'Mua, qui semblait aller de moins en moins bien.

"Qu'est-ce qui se passe ? fit-il d'une voix suffisamment forte pour percer la tempête. L'un d'entre vous a vu quelque chose ?"

Il n'a lui-même rien vu qui puisse indiquer un quelconque danger, et avec les conditions de visibilité, il doutait qu'il soit possible d’apercevoir une menace avant qu'elle ne leur tombe dessus. Même s'il s'agissait sans doute d'un cri de terreur provoqué par la douleur et les effets toxiques des cendres, il préférait rester prudent.

Le cri réveilla Si'la qui était jusqu'ici assez paisiblement recroquevillée. Ayant perçu une voix connue, elle releva sa tête de son trou en essayant de distinguer quelque chose d'inhabituel dans la tempête qui sévissait.
Elle gardait une main sur sa hanche, là où était son épée, et utilisait l'autre pour maintenir sa cape pour protéger son visage de la poussière. Elle n'espérait pas grand chose, la poussière, sa cape, et son réveil soudain engourdissaient sa perception, mais peut-être n'était-ce qu'une illusion de l'esprit ?
Elle distingua alors la voix de Sorothakar, qui lui indiqua qu'elle n'avait pas été seule à entendre ce cri. Elle redoubla alors d'effort pour distinguer la moindre anomalie, elle n'était pas à son avantage dans cet environnement apocalyptique...

Si'la commençait à marcher seule au hasard dans la tempête, mais Sorothakar l'aperçu et la rattrapa. Tous les deux, ils errèrent plusieurs minutes, en faisant attention de ne pas marcher sur les villageois dans leurs trous. L'origine du cri était peu claire, et il n'y en avait plus eut d'autres pour les aider. Alors qu'ils allaient perdre espoir, et essayer de revenir à leurs propres abris, ils aperçurent deux formes au loin. Elles rappelaient à Si'la la monstruosité qu'elle avait vu dans les souterrains, mais en plus grand et en plus massif.

A la vue de ces deux formes, Si'la frémit. Celui du souterrain était plus petit, encore en train de grandir, et ne s'attendait à rien de particulier. Ces deux formes, si elles étaient bien de ces monstruosités, étaient bien plus grandes, probablement bien plus fortes... et aussi à sa recherche.
Elle se baissa lentement et tapota l'épaule de Sorothakar pour lui signaler d'en faire de même.
Sur le ventre, elle essaya de mieux distinguer ces formes, voir ce qu'elles faisaient en plein milieu de la tempête, elles cherchaient peut-être elles aussi d'où venait le cri.

Si'la essayait de mettre de l'ordre dans ses esprits, tout en observant de son mieux les ombres qui s'agitaient dans la tempête. Soudain, l'horrible réalité se fit à son esprit. Ces silhouettes imposantes étaient en fait accroupies, autour de quelque chose. Elles semblaient cependant ne pas bouger, comme si elles étaient occupées, ou en train de décider ce qu'elles devaient faire.

Si'la voulait voir ces créatures se vider de leur sang. Cependant, elle ne savait si c'était une certaine peur de ces monstres ou de la curiosité morbide, mais elle rester là, à observer ce que faisaient ces monstres.
Si comme elle, ils ne s'agitaient pas plus dans les minutes qui suivaient, l'instinct de l'abbesse prendrait sûrement le dessus avant que la cendre ne la recouvre et elle brandirait une nouvelle fois son épée pour l'asséner sur ces choses.

Sorothakar réalisa soudain qu'il n'avait pas affaire à des villageois en train de discuter, mais bien à des monstres comme ceux qu'ils avaient croisés au village. Leur absence de mouvement associé à la désorientation provoquée par la tempête avaient pendant un instant altéré sérieusement son jugement.

D'un geste heureusement appris par coeur, il attrapa une flèche et l'encocha. Il l'arc à demi-bandé, il jeta un regard circulaire pour repérer d'éventuels autres ennemis, et fit un signe de tête à Si'la. Ils ne pouvaient pas rester à les regarder sans bouger !

Il s'approcha alors, très lentement, prêt à décocher au moindre signe d'alerte. Il voulait savoir ce qu'elles faisaient. Et avoir un angle parfait pour tirer.

Sorothakar s'approcha le plus discrètement possible. Alors qu'ils s'en approchait, il eut une première confirmation qu'il voulait : les deux ombres était effectivement gigantesque. Plus haute que la plus grande personne qu'il ait jamais rencontré. À cause de la tempête, il était difficile de savoir exactement ce qu'ils faisaient, mais Sorothakar avait l'impression qu'ils retournaient quelques chose, comme s'ils fouillaient avec des bras qui n'étaient pas fait pour ça.

D'un geste, le guide voilé leva son arc, ajusta sur la tête du monstre le plus proche, et lâcha son trait.

Il espérait que l'anatomie de ces créatures serait suffisamment proche de celle des humains pour la tuer sur le coup. Dans le cas contraire, la situation deviendrait bien plus critique...

Si'la vit Sorothakar se lever et tirer une flèche d'un coup vif, elle vécu un instant de terreur. Le geste de Sorothakar était presque contre sa nature, cette triste aventure l'avait-il à ce point affecté ?
Les créatures les avaient maintenant repéré et la mort les attendait sûrement maintenant, la peur l'enveloppait de plus en plus. Sa mort aurait dû arriver au milieu du champ de bataille, mais pas ici... elle se raccrocha à l'espoir que la vie ne la laisserait pas mourir vainement dans un tel endroit.

Presque certaine de son destin tragique, elle se releva et saisit son épée. Elle soupira légèrement. Si elle devait mourir ce serait au combat, aux côtés de combattants, jamais elle ne reculerait.
Elle tourna son regard vers la terrible créature la plus proche d'elle et se lança à l'attaque, espérant jouer du peu de surprise qui leur restait désormais.

La créature la plus à droite se pris la flèche dans le dos. Elle poussa un cri rauque. Celle de gauche de retourna. Le monstre dominait Si'la d'une bonne tête ; ne fléchissant pas, elle mit toute la force qu'elle pouvait dans son coup, et avec une violence rare décapita son opposant.

Cependant le monstre déjà blessé était déjà sur elle. Si'la ne put reculer à temps pour éviter totalement un revers de son bras en forme de faux. Une horrible douleur jaillit sur son côté gauche. Elle ne sentait plus son bras. Seul l'adrénaline du combat lui permettait de rester debout ; ajouté à la cendre qui lui battait le visage, les rares rayons du soleil ne permettaient de voir clairement qu'une seule chose : l'adversaire qui se dressait face à elle.
Deux petits yeux noirs surmontaient une bouche où les dents étaient tellement exagérées qu'elles se rapprochaient de défense. Vaguement humanoïde, sa peau écailleuse semblait n'avoir que quelques points non protégés, le ventre et le cou.

Oublier la douleur. S'imprégner du sang. Se noyer dans le combat. Rien de tout cela n'avait de sens, elle mourrait aujourd'hui contre l'inhumain, contre quelque chose qui n'avait jamais été réel. Elle allait en finir en accompagnant d'un sourire sanguinolent son dernier coup.
Sans même regarder son côté gauche, elle leva son arme d'une main après avoir fermement posé ses pieds sur le sol, et s'apprêta à planter sa lame dans la faiblesse la plus basse de la chose.
Son geste fut vif, un dernier regain d'adrénaline, son corps lui disait que la fin s'approchait. Sa lame se dirigea droit vers le ventre du monstre.