Le Sentier des Rêves

Le monde autours d'eux n'était que cauchemars, perdues qu'ils étaient dans l'oeil du cyclone infernal. Ils pouvaient profiter d'une brève accalmie, mais bientôt, les monstres reviendraient à la charge.



"C'est un plaisir de vous revoir, ma Dame" fit l'inconnu à Miska.

Puis, ignorant le regard assassin de cette dernière, il se tourna vers les deux autres femmes:

"Mes dames, salua-t-il galamment en passant son poignard à sa ceinture, c'est un plaisir."

Dans son dos, l'expression de Miska se durcit encore et elle... lui tira la langue.

Habillé comme elle d'une tenue de voyage qui en avait visiblement bien bavé, déclinaison de tons vert et bruns, il avait pour tout équipement son poignard et un sac en bandoulière. Autour de sa taille était nouée un morceau de tissu vert à motif noirs qui semblait lui servir de baudrier, tandis qu'une cape grisâtre était accrochée à son sac. Une tunique longue de toile brune -de bonne qualité mais pas toute neuve- habillait son corps fin et athlétique, prolongée par un pantalon brun-vert enfoncé dans une paire de bottes de voyage en cuir.

A première vu, il semblait amical, mais ses cheveux bruns ne pouvaient masquer la lueur de sauvagerie qui dansait dans ses yeux. Il avait juste l'air de la contenir mieux que Miska...

A présent. Le Par'oneiron brillait à nouveau de sa lueur argentée. L'intensité du combat avait faiblie, même si les pires horreurs urbaines continuaient d'attaquer Ixchel. Elle les lacérait à grands coups de serres tout en projetant youte la force de son esprit...
En même temps, l'enchanteresse assistait à ces étranges retrouvailles, d'une manière quelque peu décontenancée -c'est-à-dire en changeant constamment de forme-. Elle jeta un regard félin à Eva.
L'homme les salua alors.
Elle répondit, tout en reprenant forme humaine : "Le plaisir est partagé, monsieur... Vous arriviez à point nommé ! Pardon, mais je n'ai pas bien saisi votre nom. Moi, c'est Iky2Z*ømi'ilh... Je vois que, mademoiselle et vous, vous connaissez déjà... "

"Pour mon plus grand plaisir ! s'amusa le nouvel arrivant à la remarque d'Ixchel. Même si ce n'est pas toujours évident, Madame est parfois d'excellente compagnie. N'est-ce pas ? fit-il en tendant la main vers Miska en un geste d'invitation. Quand à mon nom, c'est Neivar."

Il reporta soudain son attention sur leur environnement, non sans avoir détaillé Ixchel et Eva de son regard perçant, avant de faire remarquer à Miska, en lokmori:

"Faut qu'on se barre d'ici: il y a un trou de la Trame, de plus en plus grand. C'est moins évident de l'intérieur, mais c'est pas bon. J'en sais pas beaucoup plus, mais faut sortir de ce sale monde."

Elle le fixa un moment dans les yeux avant de se décider, et lui effleura les doigts avec les siens, avant de se remettre en garde, l'attention dirigée vers l'extérieur la menace qui les entourait.

Dans le même temps, Neivar dégaina sa lame en os et se plaça à ses côtés.


"T'en a pris une sacrée dose, quand même... murmura-t-il à Miska tout en étudiant la surface de leur bulle, tu m'étonnes que t'aie réagit comme ça !"

"Je comptais aller voir de plus près ce qui nous menaçait, répondit-elle. J'avais pas prévu de tomber en plein cauchemars."

Il ne lui répondit pas, mais haussa la voix pour s'exprimer dans un langage intelligible pour tous:

"On va devoir "bouger", si tant est que ce soit possible. Si vous voyez une quelconque faille dans cette cage, foncez, et tout le monde suit. J'ai cru comprendre que vous aviez quelques pouvoirs, auquel cas n'hésitez pas à vous en servir: on doit absolument sortir d'ici, c'est pire que ce que vous pourriez imaginer."

Evangeline regarda Ixchel d'un air rassuré : A quatre ils auraient une chance de s'en sortir...

Puis elle scruta le "compagnon" de Miska, l'aura paradoxalement à la fois meurtrière et chaleureuse qu'il dégageait en faisaient un individu unique...

Quand il s'adressa à elles, elle regarda autour et vit l'espace se remplir à nouveau de différents cauchemars, démons et à sa tête Sahan Selyrand.
Elle fit apparaître une 2e épée dans sa main gauche et se mit en position de combat.

Elle s'écria à l'intention du dénommé Neivar :

"Vous avez raison, je ne sais pas pourquoi on est enfermés dans le plan des rêves (ou des cauchemars plutôt maintenant), mais on va y passer si on sort pas d'ici en vitesse ! J'ai l'impression que cette dimension va imploser...
J'ai repéré un groupe plus diminué sur notre droite, je me propose pour foncer dans le tas, je ne faiblirai pas.
Mais une fois qu'on aura traversé cette muraille de cauchemars, où doit-on aller, vous avez repéré une "sortie"? "

"Sortir ? s'étonna Miska. Mais au contraire: on est sensé nous enfoncer encore d'avantage !"

"Elle a raison," confirma laconiquement Neivar, trop occupé à maintenir à distance leurs ennemis en tissant un filet de coup autours de lui.

"Partez devant, j'arrive, réussit-il à placer entre deux mouvements. Mais restez groupées."

Étonnamment, Miska ne fit aucune remarque au sujet de cette prise de pouvoir du nouvel arrivant, et se contenta de s'esquiver pour le laisser prendre l'arrière garde. Finalement, elle était contente de le voir: c'est sûr qu'il était toujours plus intéressant que les parvenus dont elle était entourée. A part Ixchel, qui, pour une raison qu'elle ignorait, lui semblait sympathique, elle n'avait pas spécialement envie de se mélanger aux autres. Il y avait bien le vieux, lui aussi voyageur sur la Trame, qui avait un peu de conversation, mais sinon...

Mais elle allait faire comme toujours dans ce genre de situation: se contenter de rester neutre tant que les autres pouvaient lui servir, et repartir dès qu'elle aurait assez. Pour le moment, elle avait surtout envie de se défouler: la frustration et le Ma'kapo ne faisait pas bon ménage. La bonne nouvelle, c'est qu'avec l'arrivée de Neivar, elle avait enfin un adversaire à sa taille. Si elle avait l'occasion de lui demander...

C'est ainsi que, nullement perturbée par la situation, plutôt ravie de l'action à venir même, pourrait-on dire, elle se prépara à s'enfoncer dans ce monde étrange.

"Une faille, vous dites ?" Ixchel pris sa forme d'enchanteresse, déployant ses ailes phantasmagoriques. Elle répondit à Neivar "Je pense pouvoir éclairer notre chemin"

Ixchel s'éleva légèrement au-dessus du groupe et fit apparaître une fleur de cempaxochitl. La corole cuivrée s'ouvrit et une lumière intense en jaillit, perçant l'obscurité de ses rayonsn paralysant les cauchemars qui les assaillaient, recherchant la brèche qui les libèrerait. Ici, elle était reine, et les replis de l'espace-temps n'avaient pas de secret pour elle. Même les pires cauchemars ne pourraient lui tenir tête bien longtemps, surtout si ils répondaient à son appel...

Evangeline regarda la fleur percer le miasme noir d'encre qui les enveloppait et lorsqu'un trou apparut au dessus d'eux, elle sourit en direction d'Ixchel : elle avait réussi à ouvrir une brèche.

Evangeline s'éleva alors à toute vitesse, évoluant en apesanteur dans le plan onirique et joignant les deux doigts de sa main droite au dos de sa main gauche, elle incanta:

Que ta magie l'écrase, que ton souffle le balaie, Supernova céleste !

En écartant ses deux mains elle fit apparaître une sphère d'un violet profond, qui se dirigea vers le miasme cauchemardesque qui était en train de se désagréger.
Lorsque la sphère approcha d'un groupe de mages noirs (un résidu de son cauchemar de tout-à-l'heure) qui tentait de faire écran, elle explosa dans une onde de choc magique dévastatrice...

Une brèche immense s'était alors ouverte et Evangeline hurla : "Allons-y, avant qu'ils reviennent !"

Joignant le geste à la parole elle se dirigea vers la brèche à une vitesse vertigineuse, suivie par les autres membres du groupe.

Ni iin, ni iin-yo kuu tin


Plusieurs raons de lumière partirent au dessus d'Ixchel. A chaque fois qu'ils touchaient les cauchemars, les créatures terribles se déssechaient et se décomposaient, jusqu'à n'étre plus que poussière portée par la brise du Ravanagiri.

Une large brèche s'était ouverte, et Ixchel voyait a nouveau les fleuves d'argent. Profitant d'un assaut dévastateur d'Evangeline, Ixchel et les autres s'échappèrent. xchel projetait d'autres rayons de lumière destructeurs pour empêcher le trou de se refermer sur eux. 
Finalement, ils se retrouvèrent à l'extérieur, attaquant la masse des cauchemars moisissante sous le soleil de plomb...

suni nikantii nastéy yuyó...

Ixchel continuait de murmurer l'Hymne au soleil ndis que la lumière détruisait les forces obscures

Ils avaient réussi à sortir de la masse obscure, mais celle-ci essayait de les rattraper, dressant des tentacules noires d'encre pour les encercler, tel un kraken des abysses.

Ixchel et ses sorts lumineux soulageant leurs arrières, Evangeline pouvait se diriger vers les rivières d'argent, gardant les cauchemars à distance à coup de rayons bleutés par ici, violets pas là-bas, sans jamais s'arrêter d'avancer.

Elle finit par ralentir près de la berge d'un de ces impressionants fleuves lumineux, apercevant une sphère très brillante entourée par un halo doré qui se dirigeait vers elle :
Elle finit par la toucher avec son sceptre et fut envahie par une voix familière :
C'était Isaac qui tentait de la contacter... Il ignorait évidemment qu'ils étaient tous coincés ici...

Les choses avaient l'air d'empirer à l'Académie, Evangeline le sentait dans la voix et l'aura mentale troublée du Tsayash'tim.

Elle répondit à Isaac, ce qui n'était pas une mince affaire, puisqu'elle n'était plus matérielle...

"Je vous ai entendu Messire... Miska, Ixchel et moi sommes enfermées dans le plan des rêves, qui est infesté de cauchemars... Nous essayons d'en sortir tant bien que mal, nous avons réussi à repousser temporairement les créatures cauchemardesques mais elles reviennent très vite...
Nous allons bien, et nous avons reçu la visite improbable d'un allié, un compagnon de Miska...
Comment c'est à l'Académie, pas fort je pense, je le ressens...quelque chose de grave est arrivé là-bas aussi ? Vous êtes aussi coincés quelque part ?
J'espère que vous recevrez ce message Messire Isaac et que vous pourrez nous venir en aide..."

Elle enferma ses pensées dans une sphère similaire à celle qu'elle venait de toucher, et les envoya en direction de l'âme d'Isaac, laissant le sort trouver son destinataire, en parcourant les fleuves argentés...

"Un sacré gâchis d'énergie, pensa Miska en voyant le feu d'artifice qui les entourait. Bon, de toute façon, ça m'a rien coûté."

Sans un regard en arrière, elle jeta dans la brèche, l'arme au clair, un léger chant bourdonnant pendu aux lèvres. C'était l'heure de bouger !

Les mouvements fluides de sa lame laissaient ses avant bras à moitié découvert, révélant les ombres revenues sur sa peau. Elle s'échauffait.

Une fois sortie de cette prison, elle se rendit compte que les créatures restaient concentrées sur l'endroit d'où elle venait de s'échapper. D'ailleurs, elles ne semblaient pas s'intéresser le moins du monde aux trois jeunes femmes. Peut-être qu'Il les occupait suffisamment...

S'en désintéressant complètement, elle observa leur nouvel environnement: bien que la lumière d'Ixchel éclaira leur parcelle de rêve, la seule chose qui semblait exister à part elle était la sphère monstrueuse. Autours, rien. Pas une couleur, pas un objet. Pas un détails.

A part le brouillard qui semblait apparaître lentement, rien ne venait troubler le vide de ce monde. Cette brume formait comme un cocon d' ouate qui absorbait les bruits, la lumière et les sens.

Progressivement, il les engloutit de sa grise blancheur, jusqu'à ce qu'elles ne puissent même plus distinguer leurs mains.

"Dites voir, demanda Miska dans ce qu'elle estimait être la direction d' Ixchel, c'est vous qui faites ça ?"

Ixchel vit tout à coup un épais brouillard se lever, ce qui était totalement inhabituel dans cette partie du rêve. A mesure que la vue se brouillait, elle ne se fiait plus qu'aux traces oniriques de ses compagnes et au cours des fleuves d'argent pour se repérer.
Quelle journée, décidément.
Dans ce monde, tout allait de travers. Ou alors, c'est qu'il fonctionnait de manière bien différente à la Terre... Toute á ses réflexions, elle entendit Miska lui parler.

"Non, je n'y suis pour rien ! Ce brouillard me rappelle les profondeurs du Rêve terrestre... Il est plein de pulsion de Mort ... Mesdemoiselles, permettez-moi de vous suggérer de vous concentrer sur votre Moi profond : vous risquez d'en avoir besoin... Ce qui vient des Sources de l'Inconscient, c'est assez dangereux."

On entendit, au loin, vague mais parfaitement reconnaissable, un croassement. Il ne tarderait plus, maintenant.

Alors qu'ils venaient à peine de sortir du miasme et profiter de la clarté, un épais brouillard se mit à les entourer, dérobant doucement l'environnement à leurs sens.

Si la faible lueur d'Ixchel permettait de la repérer, Evangeline ne se fiait qu'à sa propre perception spirituelle pour détecter les présences et fut soulagée de voir que tout le monde était sorti indemne de la sphère de cauchemars.

C'est alors à ce moment qu'elle détecta également un écho spirituel familier : Isaac lui avait répondu: elle dirigea ses sens en direction du message qui se diluait dans l'espace opaque.
"En cas d'urgence, servez-vous de l'amulette"

Isaac avait l'air très préoccupé et n'avait pas l'air de vouloir être bavard, les choses n'allaient pas mieux là-bas...

L'amulette...elle ne savait pas trop comment l'utiliser, mais si c'était l'unique moyen de s'en sortir...

Elle regarda autour d'elle tentant de rejoindre les autres, ce qu'elle finit par faire.

Elle demanda : "On fait quoi maintenant, quelqu'un a une idée ?"

"Je prendrais bien un Sak'po, personnellement, répondit Miska à la question d' Evangeline. Je me demande s'il m'en reste..."

Coinçant son sabre sous son bras, elle s'assit au "sol" et elle se mis à fouiller dans son sac à la recherche du mélange. Quelques instants plus tard, elle grogna, dépitée:

"Flûte, c'est vide. Faudra penser à en reprendre, la prochaine fois que je verrai la Maison."

Un sourire fugace éclaira son visage à la pensée de revoir son château, très vite remplacée par une exclamation réjouie:

"Mais j'y pense: si ça se trouve, il lui en reste ! J'espère qu'il traînera pas trop..."

Elle ne jeta pas un regard dans la direction d'où elles venaient, là où se trouvait sans doute encore celui dont elle parlait. Comme si elle l'avait complètement oublié.

"Bon, je sais pas vous, mais j'ai envie d'action. On avance ?"

Et elle partit tout droit devant elle, sans attendre de savoir si les deux autres suivaient.

Une créature bizarre et merveilleuse, quoiqu'un peu inquiétante déchira les brumes de sa lumière noire : un énorme corbeau, au plumage si obscur qu'on ne pouvait rien distinguer de ses traits, vint se poser sur l'èpaule d'Ixchel. Ces ailes repliées se transformèrent alors en tentacules. Ixchel s'adressa à lui dans la langue, chuintante et reptilienne, de l'Oneiron, et il lui répondit de même.
"Bon, maintenant, je suis prête !"
L'aura dorée d'Ixchel, et celle, noire, de la créature, se mirent à résonner ensemble. Ils avancèrent, projetant de puissantes vagues de sèrènité dans toutes les directions. Le brouillard vacillait autour d'elle...

Il semblait à Miska qu'elle marchait dans le brouillard depuis des heures, sans que rien de nouveau ne vienne en briser la grise monotonie. Au début, elle avait pensé qu'il ne s'agissait que d'un phénomène passager, et qu'elle allait rapidement tomber sur... quelque chose. Mais non, rien.

Pourtant, le brouillard, c'était loin de lui être étranger: ce n'était pas pour rien qu' Il avait appelé leur troupe la "Bande des Brumes". Et voilà qu'elle voyait Maer Telmos, perché au dessus des nuages...

"C'est étrange parfois, songeait-elle, comme nos pensées reviennent immanquablement à la Maison, quand on est en voyage. Alors qu'à peine rentré, on ne songe qu'à repartir !"

Toute à ces réflexions, elle continuait d'avancer, sans savoir où elle allait, sans savoir comment, mais en sachant pourquoi: il n'y pas d'existence sans mouvement. Ni de mouvement sans existence, remarquez !

Ainsi donc, avançant sans direction, elle faisait ce qui était l'essence de son existence: elle marchait. Si tant est que l'on puisse marcher en rêve: le rêve n'était-il pas un simple plan de plus, perdu au milieu de l'infinité de plans de la Trame ?


Enfin, après une éternité, elle discerna enfin quelque chose: devant elle se trouvait une sorte de "lumière noire", au milieu de laquelle semblait se tenir des silhouettes humaines. S'approchant plus près, elle poussa un grognement de dépit:

"Encore vous ? Pas possible... Et c'est quoi ce croisement entre une dinde et une méduse ? Bon, vraiment, y a rien ici. Voyons voir si on ne peut pas..."

Son regard devint flou, comme sil elle regardait à travers leur environnement, et elle commença à se fondre dans la brume, son image se brouillant avant de disparaître totalement.

Elle n'avait pas que ça à faire !

Ixchel commençait à en avoir assez. D'autant qu'elle voyait Eva de plus en plus préoccupée, depuis qu'elle avait échangé ces messages, avec dieu-sait-qui. Elle s'apprêtait à lui parler quand Miska passa rapidement, d'un air tout aussi mélancolique que grognon. Elle s'en alla, sans leur laiser le temps de rèpondre. Xøtsimi, posé sur son épaule, tiqua en entendant parler la sorcière et croassa avec indignation, tout en parodiant grotesquement le visage et les gestes de Miska.
"Eva, je ne sais pas pour toi, mais ce brouillard m'exaspère..."
Alors, elle concentra tout son pouvoir de rêveuse, toute son âme féérique. Elle ouvrit ses bras et commença à briller de l'habituelle lueur cuivrée...
Soudain, sa forme d'enchanteresse fut magnifiée : d'immenses ailes multicolores poussèrent depuis ses bras, tandis que ses cheveux ui avaient pris une teinte rougeoyante grandissaient et se couvraient de fleurs, de perles et de bijoux. Elle ètait à présent vétue d'une longue robe fendue qui entremêlait des toiles vaporeuses, des plumes de quetzal, des pétales de fleurs enflammès et d'étranges mécanismes...
Eva put alors assister au spectacle indescriptiblement beau de la Ronde Enchantée, rituel majeur des pairi, un instant d'éternité sublimé qui resterait gravé dans sa mémoire.
Et la brume disparut.
Les fleuves d'argent s'étendaient toujours en direction du Ravanagiri, l'Anahita partait toujours en direction de la Lune...

"Maintenant, nous avons deux solutions : soit nous retournons vers le plan du réel, soit nous chercons ici la source de tout ce remue-ménage. Il se passe quelque chose de très inhabituel ici, c'est évident. Et cela ne me plait pas. Ces perturbations du songe doivent avoir une explication. Qu'en penses-tu ?"

"Oui, ma jeune amie, pardonnez mon laconisme. La situation s'aggrave ici : il y a eu des morts inexpliquées. Il est possible que vous en perceviez des signes dans le Par'oneiron. Peut-être sont-ce ces cauchemars, dont vous parlez. Soyez sur vos gardes et cuídese ! Je vais bientôt venir vous aider -si vous en avez besoin."

Les mots d'Isaac résonnaient encore dans le brouillard...

Elle ne pouvait lui répondre à cause du brouillard qui masquait tout fleuve onirique...

Des morts à l'Académie ?! Ils devaient rentrer au plus vite ! Cela prenait une tournure qu'elle n'aimait pas...à croire que le seigneur Hellas et son intuition légendaire avait deviné qu'il se passerait des choses...

L'ennui, c'est que d'il leur était arrivé quelque chose elle aurait échoué... Elle fut interrompue dans ses pensées par la vue de Miska qui passa devant eux et les apostropha d'une voix maussade avant de repartir dans la brume...

Evangeline la héla : "Miska ! Où allez...vous ?"

Inutile, elle avait (encore) disparu...et son compagnon aussi d'ailleurs.

Heureusement qu'Ixchel était là. Le brouillard l'exaspérait et elle était d'accord avec elle.

Mais elle ne s'attendait absolument pas à ce que Ixchel fasse ce qu'elle était en train de faire :

elle se mit à briller plus fort que l'étoile du Nord, des ailes plus splendides que celles d'un papillon apparurent sur son dos, des fleurs, gemmes et perles brillant de mille feux  ornaient ses cheveux.

Elle était devenue telle la Reine des Fées, le brouillard ne pouvait que s'incliner devant sa douce chaleur et sa lumière.

Tel le Soleil qui chassa le Roi de la Pluie dans le Conte pour Enfants que leur lisait leur mère il y a très longtemps, à elle et sa jeune soeur, Ixchel dissipa le brouillard.

Mais ce fut bien plus magnifique que tout ce dont le Soleil aurait pu faire :

Ixchel se mit à danser, et les plumes, fleurs et volutes de toiles faisaient comme un tourbillon de couleurs qui semblait dire au brouillard :

"Pars ! Tu ne peux pas rester ici ! L'Oneiron doit retrouver ses couleurs, sa lumière, sa vie !"

Et Ixchel continuait de danser et un cercle de lumière l'entourait s'agrandissant pour inonder l'Oneiron d'une myriade de couleurs chatoyantes.

Ixchel au centre semblait être une déesse de la lumière : les yeux clos, elle se concentrait pour donner toute son âme à cette danse.

Et elle continua, couleurs, or, argent, lumière, sosn, mouvement, vie. Un déluge de sens qui fondit sur le brouillard comme une armée mue par le désir de victoire.

L'ennemi commençait à vaciller puis il battit en retraite, se dissipant progressivement.

Mais la jeune fille ne s'arrêta qu'une fois que le moindre volute de brume se fut évanoui.

Evangeline ne réalisa qu'après coup que le brouillard avait disparu, hypnotisée par surement la chose la plus merveilleuse qu'elle ait put voir à ce jour.

Elle se sentait sereine et enveloppée dans une douce léthargie apaisante.

Elle fut réveillée par la question d'Ixchel :

Evangeline balbutia :" Q...quoi ? "

Elle se reprit :
"Euh désolée, mais j'ai été hypnotisée par ta danse enfin ton rituel... tu es une magicienne merveilleuse ! les sorts feux d'artifice c'est bien, mais je n'ai jamais vu ça sauf peut-être chez Zefiria. Mais elle le fait bien moins que toi !!!

Si on doit rentrer? oui il le faut, il y a des morts à l'Académie, Isaac et les autres sont en danger...
Et je crois savoir comment... Mais de l'autre côté je suis d'accord, il y a des trucs louches ici...si ces cauchemars étaient à l'origine de la barrière ? On gagnerait à comprendre ce qui se passe ici...

Je ne sais pas trop à vrai dire quoi faire..."

Le compliment d'Eva fit rougir Ixchel. Bon, ça se voyait pas vraiment, sous la lumière dorée...

"Disons que, dans le monde des rêves, je me lâxhe... " elle marqua une pause. "Des morts ? C'est donc bien ce que je ressentais. " ses cheveux devinrent d'un blanc lunaire... "la pulsion de mort est présente en ces lieux... mais nous allons y voir plus clair, à prèsent : tu vois ces flaques argentées en bas ? ce sont les rêves de eux qui se trouvent à l'académie. Même quand nous sommes réveillés, nos rêves continuent d'exister ici... je te propose d'aller voir ça de plus près. Reste bien près de moi : il y a des replis de l'espace-temps, par ici".

Elles amorcèrent leur descente, le Qolloshsmt ouvrant la voie. Puis elles se mirent à planer au-dessus des rêves, scrutant les ruisseaux pour repérer des éléments incongrus.

Vide. Fluide.

Elle coule à travers la Trame, autours des mondes. Existe, sans Être. Est, sans Exister. Se tord, se dilue, compacte.

Les courants s'écoulent autours d'elle, à travers elle, le Monde, son Contraire, et le Reste.

Condensation, retours à la Sphère, qui l'aspire, la ramène sans ménagement. Brutal processus de retour à une fraction d' Essence. Elle tente de maîtriser la descente, ralentie, puis s'arrête. Engluée dans un pseudo-monde à peine formé, elle se Fige.


"Qu'est-ce que c'est encore que cette histoire ? pense Miska, à peine arrivée. C'est pas là que je devrai être !"

Autours d'elle, le fantôme d'un monde, peuplé de spectres, couvert d'un voile flou. Des silhouettes, des esquisses, esprits froids, vides, prisonniers de ces limbes.

Sans cesse, le paysage change, les époques défilent, sans ordre.Des créatures naissent, meurrent, vivent. Des objets se forment, disparaissent, se transforment. Reflets de mondes pas encore nés, de mondes déjà disparus.

Elle se sent étrangement légère, d'une légerté pesante. Jette un oeil à ses mains: son regard passe au travers, elles s'estompent, de plus en plus. Ses pensées se brouillent. Petit à petit, elle se sent partir. Elle fond, spectre parmi les spectres.

Elle ne sait plus où elle est. Ne sait plus qui elle est. Un à un, ses Cercles partent en fumée, se dissolvent. De plus en plus, son Être s'érode.

Elle ne lutte pas, ne se débat pas, entraînée dans cette spirale vertigineuse. Vers le Vide.


Une éternité. Dans le noir, une étincelle s'allume. Vacille. S'affirme. Enfle.

Fragment par fragment, elle se taille un premier Cercle sur le Vide. Puis, une couche après l'autre, lentement, Quelque Chose apparaît.

Après un temps infini, elle crève la surface. Un dernier effort, et elle entre dans la Boucle.

Tout se fige. Comme si le Rêve était en attente. Puis, d'un coup, le monde vacille: les formes s'estompent, les bruits s'éteignent, les couleurs fanent. Tout se désagrège, se fond dans cet étrange brouillard.

Et alors, une fois que tout s'est dissout dans la grisaille, des tremblements secouent ce qui reste: les deux jeunes femmes sont secouées par un tremblement de terre onirique, comme si le Rêve était pris de convulsions.

Petit à petit, elles même vacillent, clignotent, reviennent, repartent. Enfin, le Rêve se referment sur elles.

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Chacune se dresse brusquement dans son lit, cherchant de l'air, le cœur battant. Retour en surface d'un océan trop profond...

Pendant un instant, elles croient avoir rêvé les secousses. Mais non. Le sol tremble...